mercredi 17 février 2010

Why oh why?

Je devine très bien ce que vous vous dites dans vos petites têtes un tantinet délurées. Oooooh oui ! Vous vous demandez : ‘Mais comment une créature si merveilleuse et délicieuse a t –elle fait pour passer de Londres au Bled ? ».
What. The. Fuck ?
Serait-ce la mouche tsé-tsé qui aurait viré au nord pour venir la piquer à un endroit stratégique et décidément malmené ces temps-ci ? (Vu les heures que je passe à sommeiller dans mon lit, cette hypothèse est tout à fait probable). Aurait –elle succombé au charme i-rré-sis-ti-beul d’un beau brun ténébreux en week-end à Londres pour regarnir son dressing de chemises et cravates à Saville Row ? Aurait-elle été remarquée par un cabinet de chasseurs de têtes casablancais en tête de nouveaux talents pour le compte de clients internationaux voire interplanétaires ?Si vous voyiez la tête de certains de mes anciens ‘collaborateurs’, je vous assure que la Planète des Singes semble être une triste réalité. ‘Staghfallah’ me murmure Zakaria. ‘Tu cherches li zonmirdes yal 3frita’. Mais franchement pourquoi donc laisser une des villes les plus glamours in ze world pour aller vivre au pays des moustaches et du tberguig?!
La vérité c’est que j’avais envie de Maroc.
As simple as that. Ca m’a pris comme ça, un matin. Une envie viscérale. Comme la fois où j’ai pris ma bicyclette bleue un jeudi soir (je sais ça fait cliché mais j’y peux rien s’il était bleu ce foutu bissclite), sous un ciel pluvieux , à Cambridge, pour aller épier les gens dans leur salon bien rangé. Ou comme la fois où j’ai claqué mes économies pour offrir un appareil photo à cette étudiante talentueuse mais fauchée. Ou comme le soir ou j'ai rayé avec mes clés la Z3 du mec d'une bonne copine, après l'avoir surpris avec une autre femme...hmmm...Zakaria remue la tête d'un coup...(en fait c'était sa soeur; pas à Zakaria bien sûr mais au mec...oops!). Ou la fois où j’ai pris le premier Eurostar de la journée pour prendre le petit déjeûner avec le gars de Canal + chez Angelina à Paris. Ou enfin comme une envie d’éclair au chocolat ou de glace Fish Food Ben & Jerry’s à 3heures du matin, au fin fond du Vercors. Comme ça. Un guts feeling. Un instinct. Une idée fixe. Un moment de folie. Un élan du cœur, voilà. Appelez-le comme vous voulez. Vous voyez ce que je veux dire au moins? Ca vous arrive des fois, non? Parce que si vous ne savez pas ce que je veux dire, c’est que peut-être vous êtes en vie mais qu'en fait vous êtes déjà morts. Non? Et le pire peut-être c’est quand même quand vous ne vous en rendez même pas compte, vous pensez pas?

Au début c’était l’envie de retrouver l’odeur du Maroc. Les mauvaises langues diront : « C’est ça oui, l’odeur du zbel ! ». Vous savez… Cette odeur que vous sentiez dès que vous arriviez dans la 504 break chargée à bloc à Melilla ou à Sebta, juste avant d’affronter la Brigade des Moustaches fil diwana . Ou pour les autres, cette odeur qui vous frappait à la descente de l’avion.
Un jour, quand j’avais 19 ans (oui ça paraît bien loin !), ma mère était rentrée du bled et m’avait ramené dans ses valises un cadeau de la part d'une de mes tantes. Ma tante préférée, celle qui ne recevait aucune demande en mariage -un peu comme moi quoi. C’était un joli foulard avec des teintes roses, turquoises et pourpres. Mon foulard porte –bonheur qui pourrait être pris pour un Missoni et que j’aime porter avec une chemise blanche et un jean. Je me souviens l’avoir pris dans mes mains et avoir été transportée par son odeur. Cher Proust, comment empêcher les larmes de couler ? C’était l’odeur des vacances et de l’insouciance. C’était l’odeur de votre grand père, le visage ridé, vêtu de blanc, sa rreza sur la tête, assis sur son tapis de prière à réciter les 99 noms de Dieu, son chapelet à la main et qui vous donnait son da3wet el kheir (bénédiction) quotidien. C’était l’odeur de moul hanout qui prenait la consigne de Coca et vous donnait comme par magie une bouteille pleine et en vous glissant au passage 2-3 bonbons, histoire de ne avoir pas le monopole de la carie-ologie. C’était l’odeur du maïs grillé et du kefta (viande hâchée)sur le bord des routes nationales et de la harira dans ces grandes marmites où Obélix rêverait de tomber (non non il n’est pas Marocain celui-là selon Hamid même si, à mon humble avis, il a les arguments de poids et la pilosité qui lui donnent droit à la carrrte nassiounale).
C’était aussi bien sûr pour moi l’odeur de l’a3roubiya (la campagne). De ces journées interminables passées à gambader telle la chèvre de Mr Seguin, pieds nus, à jouer aux dakkouk (osselets) avec mes cousines bergères (Gad, si tu lis ce blog, sache que je n’oublierai jamais le tiramisu de mes 25 ans et que si vraiment tu insistes, peut-être que j’accepterais de t’épouser). L’odeur du chwa le soir autour du feu, à l’air libre, sous un ciel étoilé et un tajine aux pommes de terre à vous manger les doigts. Aussi, l'odeur des hayekk de vos voisines qui venaient vous saluer, à la queuleuleu, en vous prenant par les épaules et vous surprenant toujours avec soit un nombre pair soit impair de bises au point de vous douwekh (étourdir).
Il y avait bien sûr cette odeur dont je voulais m’enivrer. Mais peut-être qu’aussi, à un niveau moins conscient, j’avais été tellement traumatisée par les menaces récurrentes de mon père de me renvoyer au bled et d’enlever mon nom du hala lmadaniya (livret de famille)qu’une fois de plus, je bravais son autorité. Comme ces femmes mariées qui, pour empêcher l’infidélité de leur mari, les invitent à prendre une maîtresse en espérant du fond du cœur qu’il n’osera pas le faire. ‘Aiwoua ya baba…Tu veux m’envoyer au bled sans que je le veuille ? Et bien sache que c’est MOI qui choisis d’y aller !’ Jusqu'à aujourd’hui il ne comprend toujours pas ce qui m’a pris. Même si un jour il y a cru à ce retour au pays. Peut-être que je conclus son Iliade, who knows? Maka ifham woualou miskine! Ni mes compatriotes d’ailleurs. « Quoi ? Les gens font tout pour déguerpir d’ici, jusqu'à mourir engloutis par la Méditerranée et toi, tu quittes le pays du kheir moujoud (abondance) pour venir dans ce pays de khatafas (voleurs)? » Je vous entends le dire. Allez-y, dites –le ! Ayez-le courage de vos opinions. Je suis tarée, dingue, folle, hamka , c’est ça ?
Merci pour le compliment. Merci bezef. Choukrane a million. On dit qu’entre la folie et la sagesse il n’y a qu’un pas. Dans mon cas, c’est un pas-seport hmarr (rouge ou âne, selon votre traduction)…

La Ber-Beurette

Aucun commentaire: