vendredi 12 mars 2010

Ubu ou mon narcissisme personnel

Note aux lectrices/teurs :
1. toute ressemblance avec des personnages ayant vécu ou même vivants est presque le fruit d’une coïncidence.


Ah...Le Maroc, l'odeur des vacances, le soleil, le ciel bleu, les activités en plein air!...RIIIHHHH!!! Du vent je vous dis! Il pleut des chiens et des chameaux, il fait froid et les maisons ne sont pas prêtes pour ce type de climat avec du zellige partout et pas de chauffage central! Crotte de ouistiti ! Moulay Météo, il y a erreur sur la marchandise, ce n'est pas ce que j'ai signé dans le contrat !Je n'ai pas quitté la pluie pour avoir la pluie - torrentielle de surcroît et avoir à faire refaire un brush tous les 2 jours! A ce prix là, je vais racheter la franchise du salon de coiffure !

Je suis rentrée épuisée aujourd’hui d'une longue journée de labeur dans mon joli appartement de beubo (eh ben oui, c'est l'étape d'évolution juste après le Beurgeois ) qui sent bon le jasmin et me suis fait couler un bain cléopâtrien (sans le lait de chèvre svp) avec Nina Simone en fond sonore, me rappelant d'être heureuse car j'ai mes jambes, ma tête et tout le reste. Je suis bien, relax, zen, hanya m3a rrassi. Séance souvenir. Cela fait 1 an et tout juste un mois que j'ai ressorti ma carte nassiounale et que je suis sur le territoire. Le temps file, damnit. Quelle aventure! Je me souviens de mon installation et la découverte de 2 tresors nationaux namely le 3ssass et le Samsar. Je me remémore mes premiers pas dans cette illustre organisation pour laquelle j'ai fait le voyage outre-Atlantique et je prends une crise de fou rire à presque en faire pipi dans mon bain (allez avouez que vous aimez bien faire ça, dans une piscine si possible , petits coquins !) Vous savez quand une situation est tellement absurde voire ubuesque que vous pouvez uniquement en rire? Que vous vous croyez dans un film ou dans une expéerience de savants fous qui vous filmaient en fait à votre insu? Eh bien c'était un peu ca...

Mes premiers pas dans la jungle du travail in Morocco. Je me souviens de ce bibendum orgueilleux qui faisait office de no3 de l'organisation (que j'appelerai la Pyramide) et qui m'avait fait descendre dans son élégant bureau mon premier jour de travail . Sur le mur derrière lui trônait un tableau représentant une femme pour le moins dévêtue, dans une pose réminiscente des tableaux p-or-n-ientalistes et dont il était apparemment très fier. A côté, la photo de qui vous savez.  Je n’ai pas le droit de dire son nom donc mettons nous d’accord pour ne pas citer son nom ok? On l'appellera youknowwho ok? YKW ok? Ah..vous n’avez pas capté ? Bon…disons qu’il porte le nom d’une chaine de télé française…Ca y est c’est bon ? Très bien, revenons en donc à nos dromadaires. Un contraste déconcertant.

Michelin me dit : 'Vous savez Mademoiselle, je suis un amoureux de l'art. Un fou. Un pa-ssio-né. Mais attention! Quand je parle d'art, je parle de l'art avec un grand TA!' Je souris. Dans ma tête, j'épelle les mots comme ils me viennent de sa bouche jaunie par le cigare et les gauloises (en bon gauchiste embourgeoisi) 'LARD avec un grand TAS'. Comique. Il continue:' Ce tableau m'a été offert par une amie peintre qui était éperdumment amoureuse de moi. Elle me l’a offert la veille de son départ de la France. Je n'ai pas su dire non, je suis quelqu'un qui aime faire plaisir aux gens et je n’aime pas offusquer’. Je le regarde et ne sais franchement pas quoi dire si ce n’est dans mon for intérieur : ‘il serait parfait pour un dîner, avec comme autre invité Francois Pignon...' Il me scrute du regard, s’attendant sans doute à ce que je sois emerveillée par cet homme d’une érudition et d’un raffinement si rares. Je souris poliment. Et il enchaîne (ya wouili fkaissi) : ‘Vous savez, notre institution est une chance pour beaucoup. Pour vous aussi, c’est votre chance de bâtir une carriere ici. Your chance comme on dit en anglais!', Il est fier de sa phrase et esquisse un sourire en coin. Wow! Il a fait Cambridge en plus! 'Nous avons de grandes ambitions et nous apporterons au pays un nouvel élan .  Nous oeuvrons pour le retour de nos compétences et nous sommes là pour construire un Maroc nouveau . Mais il faut faire les choses doucement, sans brusquer. Chi va piano va sano’. Wow en plus il parle italiano!
Il s’allume un cigare, se prépare un Nespresso et me propose un café. ‘What else ?’ me dit-il puis m'interroge du regard: 'On me dit que je ressemble à George Clooney, non?’ . Je ne tilte pas sur le coup (c'est une réplique de pub connue avec le fameux acteur ténébreux). What the F?! Qu’est ce que je suis censée repondre a une telle affirmation? Le 1er jour de mon travail, à un des hauts fonctionnaires super copain avec mon boss et le no1 de la Pyramide? Que même Stevie Wonder ne verrait pas une once de ressemblance? J’esquive : ‘Vous âvez un tempérament latin comme lui’. Il est satisfait de ma réponse mais, oh Lord, je lui ai donné carte blanche (pour ne pas dire carte noire...). Le calvaire continue : « Aaaaaaah le café…J’en parlerais pendant des heures…C’est comme le vin vous savez…C’est un goût que le palais développe avec le temps, avec la reconnaissance du Bon…Les gens médiocres ne comprennent pas …Vous savez...Mademoiselle...avoir du goût c'est une philosophie de vie, au même titre que l'humanisme’.
EST CE QUE QUELQU'UN PEUT RAPPELER AU MONSIEUR QU'IL BOIT DU NES-PRE-SSO ET NON DU KOPI LAWAK?!
Il enchaîne : « Nous sommes des fervents défenseurs des Droits de l’Homme. Voyez, par exemple le peeeeeeetit personnel. Eh bien tous les jours ils me remercient de les avoir tiré de leur misère. Je leur dis que c'est eux qui me font grandir. Pour moi ce sont EUX les cadres de l’institution parce qu’ils travaillent dur et ne comptent jamais leurs heures contrairement à certains…’.(à titre informatif, le salaire d'une femme de ménage est de 3500 dhs et celui d'un cadre de 20000 dhs, et le sien, un multiple du précédent...).
Il s’arrête, reprend une bouffée. ‘Ces bureaux, c’est moi qui les ai revus avec notre architecte d’intérieur. Ils reflètent mon..euh…NOTRE état d’esprit. Je voulais vraiment que les gens qui nous rendent visite ressentent ce feeling voyez-vous. C’est un peu mon narcissisme personnel je dois dire, hahahaha!...' Il se penche légèrement vers moi, l'air inspiré. ' J’ai choisi le bois pour symboliser les racines de l'arbre et exprimer notre ancrage dans la tradition. Le métal pour sa robustesse. Et bien sûr, le verre pour sa transparence!’. Il jubile et attend une réaction d'admiration de ma part.
- " Combien ont coûté les travaux ?" je lui demande naïvement.
- "Ah là je ne peux pas vous répondre"
Je continue...
- "C’est l’argent du contribuable marocain qui a payé pour ces locaux de luxe ?’.
Il fronce les sourcils :
"Vous apprendrez Mademoiselle qu’il y a des questions qu’il ne faut pas poser dans ce pays!"
Il écrase son cigare nerveusement avec son pouce particulièrement petit (à vous d'en tirer les conclusions nécessaires hihihi), prend une dernière gorgée de son pseudo nectar et me lance un : ‘Vous pouvez prendre congé’.
 Il crie alors 'Jamilaaaaaaa!!!’ Sa secr-vante accourt, apeurée...
- ‘J'arrive Monsieur J !’.
- ‘Expliquez à Mademoiselle ce dont on a besoin pour la compta.’

SURREALISTE! Mon bizutage personnel. Le Maroc nouveau est en marche et mon chemisier en soie pue le foutu cigare.

lundi 8 mars 2010

Les noces

Je ne sais pas si vous avez déjà assisté à un mariage marocain mais il me semble que ce type de rituel ancestral de quelques heures est le condensé d’une culture et que pour le curieux qui sommeille en vous, c’est une occasion de saisir l’essence d’une société et de certains de ses mécanismes les plus évidents. Les plus sceptiques d’entre vous trouveront ceci un peu réducteur. Je ne suis certes pas Docteur en Anthropologie, mais à mon humble avis je pourrais soutenir une thèse en Tberguigologie avec mention ‘popopopopo’ même que. Lisez donc la suite, vous y trouverez peut-être un peu de vérité.


Eh bien le Maroc c’est comme un mariage marocain. Vous arrivez, vers 21h - 22h pour celles qui aiment se faire désirer. Tout brille, tout est strass et paillettes. On vous accueille à bras ouverts, en vous offrant dattes et lait pasteurisé dès votre arrivée. On vous lance un « Marhbabikoum ! » joyeux. L’accueil est si chaleureux, on se sent comme à la maison… Ballons et banderoles recouvrent les murs joliment décorés, une table de banquet gargantuesque couverte d’une myriade de gâteaux finement confectionnés se dresse en face de vous, histoire de vous faire empiler quelques kilos. Tout est en ordre. Vous passez saluer les mariés, leur sourire crispé, tentant de masquer le stress des derniers mois à arbitrer les demandes de tout le monde jusqu'à la cousine Naïma dont ils n’avaient jusqu’alors jamais entendu parler. Le futur prisonnier porte un costume à rayures sur mesure aux épaulettes parfois légèrement larges, histoire de dire qu’il a de la carure. Et la future mariée sourit sous les spotlights, sous le regard autoritaire de la negafa, qui la surveille comme une matrone/chaperonne. Entre eux des piles de cadeaux : sans doute le même service à cafe en promo chez Marjane ou Carrefour, une couverture polaire à motifs colorés pour apporter de la chaleur à leurs nuits déjà torrides, un ensemble Elle/Lui de sorties de bain (rose pour Elle, bleu pour Lui) et autres machines à cafe et dénoyateurs d’olives. Elle porte des tenues tout droit sorties des 1001 nuits (avec moins de chair apparente) et prend la pose pour les photos à succession. On pose, avec tout le monde. Le flash des photographes, l’attention des invités, on fait attention à ne pas marcher sur sa robe de star et risquer de se foutre la hchouma. C’est Wouiliwood ! You you you you ! ‘Slah ou slam 3la rassoulah. Illa. Illa ja sidna Mohammed. Allah m3a jal3ali ! You you you !!!


On vous sert bien sûr le thé. Ah…ce thé à la menthe mythique que le touriste octagénaire aime à siroter comme un pacha, en regardant sa belle Aïcha à peine pubère l’exciter, dans son riad de Marrakech fraichement acheté avec sa retraite de routier. Oui ce thé et les cornes de gazelle of course ! On vous montre votre siège, plus ou moins proche de la table des mariés. La hiéerarchie sociale et les castes sont claires comme le cristal des verres, chacun connaît les règles et personne n’oserait y déroger. Les intouchables derrière, les fortunées et les vierges et/ou Sainte-Nitouches devant, à se pavaner. Les plus experimentées choisissent, quant à elles les sièges avec la meilleure visibilité et les plus propices au tberguig, avec un angle de 360 degrés si possible parce qu’elles ont des cous sans vertèbres ces nanas. Des hiboux. On s’observe, on se scrute, on s’épie, on s’examine, on fait semblant de ne pas regarder et de ne pas être regardé. Certaines portent un diadème comme César portait la couronne de laurier. Veni, vidi, vivi. Je dois leur tirer mon tarbouch parce que si même j’aime m’apprêter, je n’ai pas leur courage et j’aime bien trop dormir. Des mois de préparation pour les tenues et des heures pour le maquillage et la coiffe sponsorisée par Elnett! Les kaftans ont été confectionnés par leur petit couturier chouchou, vous savez Karim, l’homo de Bab Chihaja. Un petit génie qui leur promet une tenue unique, ‘Makanch bhal hada fil bled kamel, ya zine !’ les rassure t-il. Toutes attendent la sortie du Spécial Kaftan d'Fdm et se ruent chez lui,pour copier ces robes de princesses. Sauf qu’après, elles se retrouvent toutes sapées pareilles, le brush du même côté, le même nombre de mèches au parfum de glace –groseille, miel ou caramel au choix , la même French Manicure, le même vernis aux pieds, le même regard feutré et sac griffé, les mêmes sourires et faux rires ponctués de ‘ Hahahaha, hbiba diali ! Tbarkala 3lik !’ Des clônes. Oui on se sent aimée, on vous demande de vos nouvelles, du travail, de votre vie sentimentale. On est sincèrement désolée parce que vous n’avez encore trouvé babouche à votre pied. Ex-pucelles fraîchement mariées et femmes mûres prennent un air bienveillant et vous lance avec pitié : ‘Mis-ki-na ! El 3okeb 3lik inch’Allah. T’inquiète toi aussi tu vas trouver.’ Ben oui, sauf que vous connaissez leur vie. Votre voisine vous l’avez vue au hammam nue, le corps bardé d’arcs en ciel pas très joyeux, obligée de porter des Ray Ban en pleine nuit pour cacher ses yeux endoloris. Vous avez croisé son mari maintes fois dans des cafés excentrés, entouré de filles en âge de jouer à la poupée. Et puis il y a la merdeuse qui sort à peine de ses Pampers, trois kilomètres de talons aux pieds, une takcheeta rouge passion et qui a bien des lecons à vous donner dans la vie.
- ‘Tu sais la vie de couple, ca m’a transformée, ma chééééérie! J’espère que tu connaîtras ça un jour.. C'est magnifique, je t’assure ! Je me sens belle tout le temps et mon mari me le répète, par texto, téléphone et même des fois sur msn quand il a pas trop d’boulot! On se quitte jamais ! J’a-dore l’attendre à la fin de la journée. Je me fais belle rien que pour lui et je lui prépare des petits plats qu’il aime.’
- ‘Et, tu travailles la journée ?’.
- ‘Non, non il ne veut pas. Il ne veut pas que je me fatigue. Mais je m’occupe, attention! Je suis sur Facebook et je tchate avec mes copines sur msn !’.
Un poisson rouge...Simone, j’espère juste que tu ne lis pas ce récit parce que tu vas te mettre a pleurer..


Le gazouz coule à flot, Mekka Cola pour les plus engagés, Bibsi Koula pour les autres. On apporte la nourriture. Miam miam. Les amis occidentaux à qui on a réservé une table a part se régalent. ‘Ahhhh, j’adore le poulet aux olives. C’est dé-li-cieux !’ Puis le tajine de bœufs aux pruneaux! Ils ont eu le traitement de faveur, mieux que la famille même. Je suis étonnee d’ailleurs qu’on ne leur ait pas alloué une entrée réservée. Et pourquoi pas un bus rien que pour eux et des toilettes aussi non ? Comme ça nous aussi on aura notre Rosa Parks. Peut-être que vous vous dites: 'Elle y va un peu fort quand même, elle est mauvaise langue la Berbeurette.. Nous sommes des gens hospitaliers et nous savons nous occuper des étrangers ! C’est fini le temps des colonies!' Mais oui bien sûr ou comme on dit en English : ‘Talk to my hand...'


Les ventres repus, on attaque le dance floor. Là, c’est un plizir di zyieux. Zdag zdag zdag zdag ! Tout mouvement est calculé, tout pas de danse minutieusement orchestré. Rien n’est laissé au hasard. Les regards, les sourires, les demi-sourires, les quarts de sourire, les huitièmes de sourires : c'est la Coupe du Monde des Sourires. L’ambiance monte, les hommes matent de leur côté, leurs pantalons en feu et les mères surveillent de l’œil leurs filles-à-marier dont quelques pas trahissent les ‘salons’ où elles ont passé certaines nuitées (à réviser). Beyoncé meets Natacha Atlas. L’homme céelibataire guette, sa mère guette et telle une dream team de cabinet d’audit, ils feront un état de rapprochement plus tard et synchroniseront leurs données.


La température se réchauffe. Les brushings se désintègrent , les frisottis avancent telle la gangrène, de la nuque vers le front. Les satanées auréoles de sueur apparaissent aux aisselles, talons d’Achille des porteuses de robes en synthétique. Les fonds de teint et les fragrances s’évaporent pour laisser place à un terrain sans friches, en jachère. PAUSE ET AVERTISSEMENT AUX MESSIEURS! Si vous cherchez à vous marier, c'est à ce moment précis et pas un autre qu'il faut arriver!!! Voici à quoi ressemble vraiment votre femme au lever! Un tableau vrai, sans artifices et pas toujours joli à regarder. Les familles qui étaient jusque là si courtoises et si chaleureuses se laissent emporter par les démons du post Icha et pre Fajr.
- ‘Je pourrais avoir un verre de café svp ?
- ‘C’est trop tard ! Fallait venir plus tôt !’
- ‘Euh…de l’eau alors ?
- ‘Y’en a plus. Allez dans les WC, y’a l’eau du robinet !’


Et pourtant...

Dans la salle vous avez reperé des âmes salvatrices malgré tous ces faux semblants. La Hajja au visage qui témoigne d’une vie à braver les éléments et qui vous embrasse sur le front avant de partir. Le chibani avec sa casquette de baseball NY qui vous offre gentiment de vous raccompagner dans sa R12 miraculeusement en bonne santé. La femme de ménage de la quarantaine, jamais mariée, paria de société, et qui vous offre son assiette de gâteaux parce qu’elle s’est rendue compte qu’on vous a subtilisé la vôtre à votre insu…
Le Maroc, oui, pleins de faux semblants. De faux-amis. D’illusions. De manigances. De coups bas. De protocoles. De complexes. De paradoxes.


Le Maroc, ou la Beauté aime se faire désirer et ne s’offre à vous que si vous la méritez. Elle est là, à chaque coin de rue, à vous guetter, comme tout le monde d’ailleurs. Pas besoin de caméras, Big Khouya sait tout de vous. L’information circule : de la loge du concierge au café, du café au hammam, du hammam au salon de coiffure, du salon de coiffure au magasin de fringues dans la kissaria. Ils sont partout. A vous guetter. Puis les dossiers sont centralisés. On connaît tout de vous, pas besoin de Bill Gates, on la joue old school ici. De votre salaire aux détails de votre cuisine, en passant par votre taille de culotte gainée.


Cette beauté si fragile, vous l’aurez saisi, refuse de se dévoiler si facilement et de se donner a vous tout de suite. Elle sait se préserver, se faire désirer. Mais une fois les noces et la lune de miel passées, elle ne vous quittera plus et vous jurera fidélité...'On ne voit bien qu'avec les yeux du coeur. L'essentiel est invisible pour les yeux' s'est entendu dire Le Petit Prince. Eh bien, je lui offre ce royaume...

mercredi 17 février 2010

Why oh why?

Je devine très bien ce que vous vous dites dans vos petites têtes un tantinet délurées. Oooooh oui ! Vous vous demandez : ‘Mais comment une créature si merveilleuse et délicieuse a t –elle fait pour passer de Londres au Bled ? ».
What. The. Fuck ?
Serait-ce la mouche tsé-tsé qui aurait viré au nord pour venir la piquer à un endroit stratégique et décidément malmené ces temps-ci ? (Vu les heures que je passe à sommeiller dans mon lit, cette hypothèse est tout à fait probable). Aurait –elle succombé au charme i-rré-sis-ti-beul d’un beau brun ténébreux en week-end à Londres pour regarnir son dressing de chemises et cravates à Saville Row ? Aurait-elle été remarquée par un cabinet de chasseurs de têtes casablancais en tête de nouveaux talents pour le compte de clients internationaux voire interplanétaires ?Si vous voyiez la tête de certains de mes anciens ‘collaborateurs’, je vous assure que la Planète des Singes semble être une triste réalité. ‘Staghfallah’ me murmure Zakaria. ‘Tu cherches li zonmirdes yal 3frita’. Mais franchement pourquoi donc laisser une des villes les plus glamours in ze world pour aller vivre au pays des moustaches et du tberguig?!
La vérité c’est que j’avais envie de Maroc.
As simple as that. Ca m’a pris comme ça, un matin. Une envie viscérale. Comme la fois où j’ai pris ma bicyclette bleue un jeudi soir (je sais ça fait cliché mais j’y peux rien s’il était bleu ce foutu bissclite), sous un ciel pluvieux , à Cambridge, pour aller épier les gens dans leur salon bien rangé. Ou comme la fois où j’ai claqué mes économies pour offrir un appareil photo à cette étudiante talentueuse mais fauchée. Ou comme le soir ou j'ai rayé avec mes clés la Z3 du mec d'une bonne copine, après l'avoir surpris avec une autre femme...hmmm...Zakaria remue la tête d'un coup...(en fait c'était sa soeur; pas à Zakaria bien sûr mais au mec...oops!). Ou la fois où j’ai pris le premier Eurostar de la journée pour prendre le petit déjeûner avec le gars de Canal + chez Angelina à Paris. Ou enfin comme une envie d’éclair au chocolat ou de glace Fish Food Ben & Jerry’s à 3heures du matin, au fin fond du Vercors. Comme ça. Un guts feeling. Un instinct. Une idée fixe. Un moment de folie. Un élan du cœur, voilà. Appelez-le comme vous voulez. Vous voyez ce que je veux dire au moins? Ca vous arrive des fois, non? Parce que si vous ne savez pas ce que je veux dire, c’est que peut-être vous êtes en vie mais qu'en fait vous êtes déjà morts. Non? Et le pire peut-être c’est quand même quand vous ne vous en rendez même pas compte, vous pensez pas?

Au début c’était l’envie de retrouver l’odeur du Maroc. Les mauvaises langues diront : « C’est ça oui, l’odeur du zbel ! ». Vous savez… Cette odeur que vous sentiez dès que vous arriviez dans la 504 break chargée à bloc à Melilla ou à Sebta, juste avant d’affronter la Brigade des Moustaches fil diwana . Ou pour les autres, cette odeur qui vous frappait à la descente de l’avion.
Un jour, quand j’avais 19 ans (oui ça paraît bien loin !), ma mère était rentrée du bled et m’avait ramené dans ses valises un cadeau de la part d'une de mes tantes. Ma tante préférée, celle qui ne recevait aucune demande en mariage -un peu comme moi quoi. C’était un joli foulard avec des teintes roses, turquoises et pourpres. Mon foulard porte –bonheur qui pourrait être pris pour un Missoni et que j’aime porter avec une chemise blanche et un jean. Je me souviens l’avoir pris dans mes mains et avoir été transportée par son odeur. Cher Proust, comment empêcher les larmes de couler ? C’était l’odeur des vacances et de l’insouciance. C’était l’odeur de votre grand père, le visage ridé, vêtu de blanc, sa rreza sur la tête, assis sur son tapis de prière à réciter les 99 noms de Dieu, son chapelet à la main et qui vous donnait son da3wet el kheir (bénédiction) quotidien. C’était l’odeur de moul hanout qui prenait la consigne de Coca et vous donnait comme par magie une bouteille pleine et en vous glissant au passage 2-3 bonbons, histoire de ne avoir pas le monopole de la carie-ologie. C’était l’odeur du maïs grillé et du kefta (viande hâchée)sur le bord des routes nationales et de la harira dans ces grandes marmites où Obélix rêverait de tomber (non non il n’est pas Marocain celui-là selon Hamid même si, à mon humble avis, il a les arguments de poids et la pilosité qui lui donnent droit à la carrrte nassiounale).
C’était aussi bien sûr pour moi l’odeur de l’a3roubiya (la campagne). De ces journées interminables passées à gambader telle la chèvre de Mr Seguin, pieds nus, à jouer aux dakkouk (osselets) avec mes cousines bergères (Gad, si tu lis ce blog, sache que je n’oublierai jamais le tiramisu de mes 25 ans et que si vraiment tu insistes, peut-être que j’accepterais de t’épouser). L’odeur du chwa le soir autour du feu, à l’air libre, sous un ciel étoilé et un tajine aux pommes de terre à vous manger les doigts. Aussi, l'odeur des hayekk de vos voisines qui venaient vous saluer, à la queuleuleu, en vous prenant par les épaules et vous surprenant toujours avec soit un nombre pair soit impair de bises au point de vous douwekh (étourdir).
Il y avait bien sûr cette odeur dont je voulais m’enivrer. Mais peut-être qu’aussi, à un niveau moins conscient, j’avais été tellement traumatisée par les menaces récurrentes de mon père de me renvoyer au bled et d’enlever mon nom du hala lmadaniya (livret de famille)qu’une fois de plus, je bravais son autorité. Comme ces femmes mariées qui, pour empêcher l’infidélité de leur mari, les invitent à prendre une maîtresse en espérant du fond du cœur qu’il n’osera pas le faire. ‘Aiwoua ya baba…Tu veux m’envoyer au bled sans que je le veuille ? Et bien sache que c’est MOI qui choisis d’y aller !’ Jusqu'à aujourd’hui il ne comprend toujours pas ce qui m’a pris. Même si un jour il y a cru à ce retour au pays. Peut-être que je conclus son Iliade, who knows? Maka ifham woualou miskine! Ni mes compatriotes d’ailleurs. « Quoi ? Les gens font tout pour déguerpir d’ici, jusqu'à mourir engloutis par la Méditerranée et toi, tu quittes le pays du kheir moujoud (abondance) pour venir dans ce pays de khatafas (voleurs)? » Je vous entends le dire. Allez-y, dites –le ! Ayez-le courage de vos opinions. Je suis tarée, dingue, folle, hamka , c’est ça ?
Merci pour le compliment. Merci bezef. Choukrane a million. On dit qu’entre la folie et la sagesse il n’y a qu’un pas. Dans mon cas, c’est un pas-seport hmarr (rouge ou âne, selon votre traduction)…

La Ber-Beurette

samedi 13 février 2010

Happy Sidi Falanta!

Alors que je sortais pour un rendez-vous ce matin, je n'ai pu m'empêcher de sourire juste au pied de l'ascenseur et quelques pas avant d'atteindre ma boîte aux lettres. Je sais. La Saint Valentin c'est vraiment une fête de tocards mais avouez quand même qu'une petite carte, même à 1Euro symbolique, ça fait toujours plaisir. Bref, le sourire aux lèvres, je sors les clés de mon superbe sac jaune canari qui devrait techniquement être appelé une valise, le coeur battant légèrement la chamade. Je passe les doigts dans l'entrebâillement de la boîte – technique communément appelée technique du moindre effort et que je maîtrise de plus en plus depuis que je vis au Maroc. J'ai du courrier! Super! Même loin des yeux, je suis restée près des coeurs. Qui c'est donc qui m'aime à la foooollllie? Qui me déclare sa flamme ou son amitié ? Sur le coup, j’ai plusieurs idées de personnes en tête. Ma cousine en number one mais je ne sais plus si elle a mon adresse. Ma lil' sista avec une carte faite maison à tous les coups. Mes copines de Londres avec une carte démente et très British. Quelques garçons qui ont soudainement réapparu dans ma vie via Facebook et qui témoignent du bien fondé de ma théorie sur le PVS (Pre-Valentine Syndrome). Un mystérieux bloggeur et serial entrepreneur (et j’en ai bien peur serial seducer) qui attend d’en finir avec son appareil dentaire et son traitement Roaccutane pour enfin m’envoyer une photo de lui et qui, comme 99% des hommes sur cette planète, est raide dingue de moi en secret chui sûre ! Trop aux anges ! Oui, du courrier rien que pour moi! Du courrier en effet. De la Redal qui me rappelle que je suis allée un peu fort sur le chauffage électrique de mon 70 m2 cet hiver et bien sûr, de Maroc Telecom me rappelant aussi mon dû - l'équivalent du PIB du Botswana...

Pas de carte rose, ni rouge, ni verte, ni caca d'oie. Rien, nada, niente, nothing, walou, errih!

Pas de carte de la Saint Valentin. Tfou tfou tfou 3la Sidi Falanta! Un petit pincement au coeur et je traverse la rue pour me la jouer Carrie dans SATC et faire signe de la main à un taxi. En théorie ça fait style mais en réalité la Fiat Uno bleue ne fait pas vraiment le poids face aux jolis taxis jaunes de Big Toufah. Là, j'ai été bluffée. Je m'explique. Dans cet espace de temps infinitésimal qu'est l'attente pour un taxi dans une avenue si fréquentée et qui se résume généralement à 15 secondes maxi, eh bien figurez-vous que mon joli manteau de designer italien et mon brushing parfait de pouffe de l'Agdal ont eu la surprise de recevoir une crotte généreuse de pigeon diarrhéique. Statistiquement, ceci est impossible. Im-po-ssi-beul. Ce satané pigeon que je nommerais Yahia pour l'occasion - car c'est vraiment un nom de pigeon marocain je trouve- a eu quelques secondes pour programmer son GPS sur ma personne et viser juste. C'est-à- dire que ce na3el tasilt babah el kelb m'a eu dans le dos et derrière le crâne ce qui, en langage simple, signifie que je ne m'en suis rendue compte que lorsque mes étudiants de l'après-midi m'ont demandé: 'How do you say 'crotte de pigeon' in English? Je leur réponds que l'équivalent anglais de ' zut' ou 'flute' se dirait 'oh sugar' ou 'oops'. Ils insistent. 'No no Madam. We really mean 'crotte de pigeon'. Je vous laisse imaginer la suite. Hilarant bien sûr. Mais si seulement ca s'arrêtait là.

Je finis mes cours, la tête haute, une partie de mes cheveux frisée et l'autre raide. C'est le dernier style qui vient de Londres en fait. Vous faites quoi dans la vie ? Je suis fashion trendsetter au Maroc ouais. Je quitte l'école, regarde bien dans le ciel au cas où cette fois-ci ce ne soit pas une saloperie d'aigle qui se prépare à me lâcher un obus et je saute dans le 1er taxi qui se pointe. Le coeur un peu chargé et rien de prévu pour Saturday Night si ce n’est un rancard avec Gabriel Garcia Marquez et Le Petit Nicolas, je décide de m'arrêter chez le fleuriste de l'avenue Fal El Oumeir et de m'offrir mes propres fleurs: des roses rouges même que! Je descends du taxi, prends ma monnaie, achète un beau bouquet et marche vers un tabac pour me fournir en m&ms jaunes, magnum caramel et compléter en parfait cliché ce tableau de célibattante pathético-névrotico-maroccoco-desperado-ique. Là c'est l'acharnement des Dieux (staghfallah je vous entends dire). Je blâme le colonialisme et Lyautey sur ce qui m’est arrivé après. Rabat est presque aussi pire que Paris quand il s’agit des chiens. Le bourgeois rbati qui généralement a fait son éducation dans des établissements français a pour caractéristique pour le moins burlesque de se calquer sur le bourgeois français avec tous les codes qui s’ensuivent aussi loufoques soit-ils. Et le caniche en est un. Bref, je glisse sur une défécation de caniche fraîchement produite - à en juger de l’efficacité. On baptise le 13 février Sainte Défécation ou Santa Mierda ok ? Je repense douloureusement à la chanson de la défunte Cheikha Rimitti ‘ana ma3andi zhar’, moi je n'ai pas de chance. Alors que je suis au sol, le contenu de mon sac et le bouquet parterre mais heureusement après avoir atterri sur mes ABS naturels plutôt perspicaces en temps de crise, je vois de loin l’auteur du crime. Victorieux, je le vois agiter sa queue avec insolence. Il marche aux côtés de sa maîtresse qui est emmitouflée dans son vison. Température extérieure: 21 degrés celsius. « Yes you can » comme dirait notre bon vieux M’Barack. Tout est possible in the United States of Morocco. C’est Hamid le taxi qui m’a ramenée de chez Paul qui m’a fait part de cette info choc : le président américain aurait apparemment des origines marocaines. Vu ses belles dents blanches, son manque de bidoche et de moustache, c’est forcément de l’intox. Fin de la parenthèse et fin de séjour sur le territoire si je continue avec mes plaisanteries.

La suite va sans doute vous choquer et vous ne me croyez sans doute pas capable de cela mais à 3* ans maintenant, je m’assume et j’ai décidé qu’on doit m’accepter telle que je suis ! Je me relève non sans peine (j’ai dit que j’avais 3* ans pas 20), ramasse mes affaires comme si de rien n’était, brave les railleries des passants pour atteindre prestement mon tortionnaire. Je le dépasse et me retourne pour le regarder droit dans les yeux et le défier avec une bravoure héritée de mes ancêtres Berbères. C’est un parent de Yahia, c’est sûr, ils ont les mêmes gènes d’emmerdeurs. Je ralentis, attends que lui et Sissi l’Impératrice me dépassent et là, je vais lui exploser le ventre avec un sérieux coup de pied à faire pâlir d’envie Pelé, Zizou et Ronaldino réunis. Cruella, cache toi, j’arrive! A la seconde où je m’apprête à me laisser aller à mes instincts les plus primaires, un petit ange au doux prénom de Zakaria se pose sur mon épaule droite et me chuchote que c’est une vengeance gratuite et bien basse. Je ne peux blâmer ce pauvre chien pour mes mésaventures et mon célibat bientôt chronique. Il me rappelle combien mes chaussures sont précieuses et que je vais les abîmer avec la vésicule biliaire qui risque de lâcher son liquide verdâtre sur le daim beige ou le petit et le gros intestin qui vont s’entremêler et me faire tomber à nouveau. Je regarde mes jolies chaussures et acquiesce. Assez de dégâts pour aujourd’hui. Il a raison, je file dans un taxi et rentre chez moi. J’ai le dos en compote. Je vérifie à nouveau ma boîte aux lettres juste pour m’assurer que la clé marche bien hmmm …Elle marche toujours bien. Et toujours walou in ze box…


Je prends une douche (ca vous fait fantasmer hein ?!)…chaud…enfile mes bas de contention (là moins!)…froid...et mon pyjama Damart (là plus du tout !)…glacial…pour rejoindre plus tard mon lit douillet. Je mets mes zolies fleurs dans un vase et me pose sur mon balcon pour fumer un pétard. J’ai alors ce flashback de ma nièce qui s’est un jour assise sur le balcon de leur appartement à Colombes en région parisienne, l’air pensif et qui a dit à sa maman : ‘Chui triste Maman. J’ai pas d’copines. Clémentine elle veut plus jouer avec moi dans la cour!’. Ma sœur lui avait alors répliqué que y’avait pleins de gens qui l’aimaient. Y’avait son papa, sa maman, sa petite sœur. Y’avait sa henna et son jedi (mon Papa c’est plutôt Yoda mais bon).Y’avait toutes ses tatas et elle lui avait énuméré tous les noms. Elle avait beaucoup de temps à l’époque ma sœur. Elle est fonctionnaire de la République Française. Ma nièce avait alors repris le sourire.

Après avoir fini de fumer mon Babylone (du nom de la Tour), je prends la boîte à chapeaux où je garde toutes mes cartes et je les relis l’une après l’autre. Ceci fait de moi une célibattante pathético-névrotico-maroccoco-desperado-romantico-nostalgique. Ouaouh! Il n'y a pas que les médecins et les consultants marocains qui ont des titres pompeux! Je relis mes nombreuses cartes d'anniversaire, de nouvelle année, de nouveau job (bezef dial hadouk!). J'ai les larmes aux yeux et le cœur plein d’amour à donner…

C’est la Saint-Valentin, une fête de merde mais une occasion de vous faire sourire et de commencer ce blog. Et aussi une occasion de vous dire qu’il y a toujours quelqu’un, quelque part, qui vous aime. Que ce soit le 3ssass/gardien de votre immeuble qui vous adore en début de mois, la diseuse de bonne aventure chez qui vous avez pris un forfait illimité, vos amis très occupés ou votre famille légèrement névrosée sur les bords…
Oui oui, je vous assure, on vous aime. On vous aime, des fois à coup de grandes déclarations à la Cheikh Speare (encore un marocain selon Hamid) et des fois avec des silences et des regards qui en disent long. On vous aime, avec vos petites manies, vos délires, votre acné tardif, vos maladresses, vos dessous thermolactyl et vos jolis souliers. Sauf que des fois, on ne vous aime pas forcément comme vous le voudriez…


La Ber-Beurette